Les décrets honorant des magistrats sont la principale source dont nous disposons pour analyser l’idéologie en vigueur dans les cités démocratiques du IIIe et du IIe s. av. J.-C., en particulier en Égée et en Asie Mineure. Une des qualités essentielles du bon magistrat est précisément l’isotès, c’est-à-dire le souci de traiter à égalité tous les citoyens, quelles que soient leur fortune, leur éducation ou leurs relations personnelles. Cette qualité est presque toujours liée à la dikaiosynè, le « souci de la justice », car le magistrat émet des sanctions ou répartit des devoirs : des agoranomes, des gymnasiarques ou encore des phrourarques sont ainsi qualifiés de « isoi kai dikaioi ». Le thème très politique de l’isotès témoigne de la vivacité de l’idéologie isonomique dans les cités hellénistiques. Ceux qu’on qualifie de « grands évergètes » adoptent cependant, au cours du IIe s. av. J.-C., des comportements nouveaux pendant leurs magistratures. Ils gardent le souci affiché de l’isotès, mais l’élargissent souvent à tous les habitants de la cité, citoyens et non-citoyens, dans une posture plus philanthropique que politique. La meilleure occasion de mettre en scène cette générosité est l’organisation de banquets ouverts à tous et dans lesquels les barrières statutaires entre individus sont volontairement abolies : citoyens, étrangers, esclaves sont présentés comme « égaux » pendant le temps de la fête. Les décrets pour les grands bienfaiteurs reformulent alors le thème de l’isotès en lui donnant une couleur sociale, inédite dans la phraséologie de ces documents. L’« égalité » perd peu à peu son sens strictement politique, hérité de l’Athènes classique : cette évolution coïncide avec un certain épuisement de l’idéologie démocratique dans la plupart des cités grecques à la basse époque hellénisique.