Les bactéries du genre Mycoplasma sont définies par leur absence de paroi cellulaire et un génome réduit. Certaines espèces de ce genre sont impliquées dans des infections respiratoires chez de nombreux hôtes comme l’Homme, les ruminants, le porc et la volaille, mais leur implication clinique est encore non précisée chez le cheval. Un protocole optimisé de détection et d’identification de ces bactéries, combinant méthode culturale et PCR post-enrichissement, a été mis en place à LABÉO (Martineau et al., 2023). Ce protocole a été appliqué sur 1948 échantillons cliniques équins, lavages trachéaux (LT) et lavages bronchoalvéolaires (LBA), provenant de 1764 chevaux vivant en France, prélevés entre janvier 2020 et décembre 2022. Afin d’identifier le rôle clinique de ces bactéries et en particulier celui de l’espèce M. equirhinis, identifiée comme majoritaire, un score clinique pondéré et cumulatif a été conçu dans le but de comparer la prévalence de cette espèce en fonction du tableau clinique des chevaux porteurs. Ce score clinique comprend les quatre signes cliniques les plus décrits lors d’infections respiratoires : le jetage nasal (présence = 1 point, absence = 0 point), la toux (2, 0), la dyspnée (3, 0) et l’hyperthermie (4, 0). Ainsi, à l’aide des données renseignées par les vétérinaires prescripteurs, chaque cheval pour lequel les données étaient disponibles, disposait d’un score compris entre 0 et 10. Ensuite, l’impact de différentes variables catégorisées à partir des fiches commémoratives remplies par les vétérinaires (e.g. : race, âge, lieux de vie) sur le risque de détection de M. equirhinis a été estimé à l’aide de modèles de régression logistique. Enfin, la potentielle association entre M. equirhinis et d’autres agents pathogènes du tractus respiratoire équin a été déterminée en comparant la prévalence de cette espèce en cas de co-détection ou non, à l’aide d’un test du Chi-2. Dans notre population, la prévalence de M. equirhinis est significativement plus importante dans les LT (n = 1409 ; 16,0 %) que dans les LBA (n = 539 ; 7,6 %). Ces résultats ont été confirmés sur un sous-groupe d’individus (n = 123) prélevés des deux échantillons le même jour (17,9 % dans les LT vs 4.8% dans les LBA ; p-value : 0,001). La prévalence de M. equirhinis dans les LT est restée stable quel que soit le score clinique associé. Dans les LBA, une légère tendance à la hausse de la prévalence en fonction du score clinique pourrait signer un comportement de pathogène opportuniste. Les analyses univariées montrent une absence de détection de M. equirhinis dans les LBA de chevaux possédant des taux de neutrophiles qualifiés de normaux. Ceci suggère une potentielle association entre cette espèce et une réponse inflammatoire. L’analyse multivariée par régression logistique a montré que les chevaux de races de course (trotteurs et pur-sang) sont plus à risque d’être détectés positifs à M. equirhinis dans les LT [Odds-ratio (OR) = 1,7 ; p-value : 0,049] comme dans les LBA (OR : 2,8 ; p-value : 0,021). Également, dans les LT seulement, les chevaux vivant majoritairement en box sont significativement plus sensibles à la contamination par cette espèce (OR = 2,1 ; p-value = 0,005). Dans les lavages trachéaux, la prévalence de M. equirhinis est significativement plus importante en cas de co-détection des espèces bactériennes Streptococcus zooepidemicus (S. zoo), Pasteurella spp. et Actinobacillus equuli. De plus, en cas de co-détection de M. equirhinis et S. zoo, la charge (déterminée par dilution en série et méthode culturale) de cette dernière était significativement plus importante, traduisant d’une possible interaction positive entre les deux agents. Également, la prévalence de M. equirhinis était plus importante en cas de co-détection du Rhinovirus B et de l’Herpes virus-5. À la vue de la potentielle association entre M. equirhinis et une réponse inflammatoire, l’hypothèse d’une association entre cette espèce et l’asthme équin est à étudier plus en détails, d’autant que ce syndrome respiratoire inflammatoire qui, par ailleurs, est retrouvé largement chez les chevaux de course est renforcé, voire provoqué, par une vie en milieu confiné, comme un box. Afin de préciser le caractère opportuniste de l’espèce M. equirhinis, nous avons développé un outil pour sa détection quantitative par PCR. Cet outil permettra de déterminer un seuil en copies de génomes au-dessus duquel cette bactérie serait impliquée dans les signes respiratoires observés chez les chevaux porteurs. Comme décrit chez d’autres espèces, M. equirhinis semble intervenir dans un Complexe Respiratoire, regroupant les différents agents microbiens de la sphère respiratoire équine et dont les interactions seraient à l’origine des affections observées. De futures analyses du microbiote respiratoire équin permettront de préciser les acteurs de ce complexe et ainsi d’améliorer le diagnostic des affections respiratoires équines, seconde cause de contre-performance dans la filière équine.