Le choix de la thématique du colloque « Maîtriser le temps et façonner l'histoire. Les historiens normands au Moyen Âge » s'inscrit dans le prolongement d'une large réflexion sur l'historiographie médiévale normande, renouvelée par la thèse de Pierre Bauduin, qui proposait une relecture de Dudon de Saint-Quentin 1 , et, depuis lors, par une série de tables rondes et colloques tenus à Cerisy ou ailleurs 2 , sans négliger pour autant nos maîtres en la matière : Henri-Irénée Marrou, Paul Veyne et Bernard Guenée. Reprenons à notre compte un passage de l'introduction du spécialiste de l'historiographie médiévale : « Les médiévistes de ce temps [le XIX e siècle] ne s'inquiétaient guère des historiens du Moyen Âge eux-mêmes, de leurs constructions et de leurs intentions […]. Les premiers à véritablement sympathiser de l'intérieur avec les historiens du Moyen Âge furent quelques érudits formés à l'École des chartes […] dans les années 1840 ». Cependant, toujours selon Bernard Guenée, « la réhabilitation totale des historiens du Moyen Âge » ne vint que plus tard, dans les années 1860-1870, autour de Gaston Paris, Paul Meyer ou Gabriel Monod 3. Ce n'est pas un hasard si le plan de l'ouvrage de Bernard Guenée qui évoque le travail de l'historien et la maîtrise du temps a inspiré les organisateurs : ces questions reviennent de façon incessante sur la table du chercheur. Pour ce qui est de la Normandie, songeons aux études de Léopold Delisle, de Marjorie Chibnall et, depuis quelques années, aux travaux consacrés à Orderic Vital 4 ainsi qu'à l'exemplaire introduction de Thomas Bisson à sa nouvelle édition de la Chronique de Robert de Torigni, parue en 2020…