L'étude propose une analyse de l'adaptation cinématographique par Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, sous le titre "Sicilia" (1999), du roman d'Elio Vittorini "Conversazione in Sicilia" (1937). Le récit de l'écrivain italien raconte le retour d'un typographe vers la Sicile de son enfance à l'occasion de la fête de sa mère. Lassé par l'agitation de la ville et la propagande politique, Silvestro accomplit un long voyage dans l'espace qui s'apparente à une remontée dans le temps de l'enfance. A l'issue de ce périple de trois jours, le protagoniste comprend que la nostalgie n'est pas le bon moyen pour sortir du désespoir qui est le sien. Le film de Straub et Huillet sélectionne quelques scènes clés du roman, surtout celles qui réunissent le fils et sa mère. Est pris le parti poétique de mettre en scène les silences et les modulations de la voix sicilienne pour aboutir à une œuvre tout aussi sonore que visuelle. Tel un orchestre, les différentes voix de la misère et de la révolte des personnages sont agencées, au premier rang desquelles celle étrange du protagoniste caractérisé par un zozotement chargé d'illustrer, peut-être, une position de décalage qui exprime une conscience à l'oeuvre.