Cet article propose un aperçu – nécessairement incomplet – de la présence de Don Quichotte dans les œuvres de Gustave Flaubert, en particulier, Madame Bovary et Bouvard et Pécuchet. Les lectures faites par Flaubert de l’œuvre de Cervantès n’ont guère été expliquées ou explicitées dans sa Correspondance, où les mentions de Don Quichotte, toujours élogieuses et enthousiastes, restent malheureusement peu nombreuses. Les traces de ses lectures, diffusément perceptibles dans des parallèles fonctionnels, thématiques ou actantiels qui ont été remarqués depuis le XIXe siècle, sont ici explorées selon trois perspectives. La première d’entre elles porte sur cette esthétique grotesque ou de mélange, déclarée par Flaubert, qui relie le comique et le tragique, la satire et la poésie, tout en s’inscrivant dans les débats autour du sens du roman de Cervantès et de ses apports au développement du roman moderne et contemporain. Au-delà de la pure et simple opposition de l’ « idéalisme » et du « réalisme », l’examen ouvre sur une vision plus large des pratiques d’hybridation de « styles » qui peuvent se trouver au cœur des leurs projets narratifs respectifs. Les deux autres perspectives essaient d’éclaicir, à partir de quelques citations de la Correspondance, de Don Quichotte, de Madame Bovary et de Bouvard et Pécuchet, la relation changeante entre l’instance principale d’énonciation du récit et les voix rapportées de ses personnages, ainsi que l’incidence de cette relation sur la sélection thématique et l’extension des mondes fictifs qui y sont présentés.