Écrits à la Restauration entre 1664 et 1667, les Memoirs of the Life of Colonel Hutchinson, qui retracent la destinée de John Hutchinson, héros républicain et martyr chrétien de la Révolution anglaise (1640-1660), restent très marqués par l’humanisme de la Renaissance. Ils doivent beaucoup au genre des Vies dans la tradition de Plutarque ainsi qu’à l’histoire antique (Thucydide, Tite-live, Plutarque, César), dont Lucy Hutchinson, excellente latiniste et traductrice du Rerum natura de Lucrèce, était une grande lectrice. En outre, le personnage du Colonel, représenté, dès la Dédicace aux enfants, comme un élégant gentilhomme, ressemble en bien des points au Courtisan de Castiglione, très lu en Angleterre jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Cependant, les Memoirs portent également l’empreinte du protestantisme qui met l’accent sur le caractère central du salut par la foi et la toute-puissance de la Providence dans l’Histoire. Le Colonel, qui meurt en 1664 en prison, des suites de son engagement républicain – il est signataire de l’arrêté de mort du roi Charles Ier –, est ainsi décrit par son épouse à la fois comme un instrument de la Providence et comme un saint, dans la tradition du Book of Martyrs de John Foxe. Dans l’espace de cette communication, il ne s’agira pas d’étudier de façon exhaustive comment les héritages de la Renaissance et de la Réforme se mêlent dans les Memoirs, mais simplement de saisir comment, dans son double portrait du Colonel, Lucy Hutchinson articule des traditions finalement moins antagonistes qu’une périodisation trop schématique le laisserait supposer.