Les récits composés par Guillaume de Poitiers et Geoffroi Malaterra, l'un en l'honneur des exploits du duc Guillaume, l'autre, de Roger de Hauteville, appartiennent à ce que l'on a coutume d'appeler la production historiographique normande. La communauté d'origine des conquérants et la contemporanéité des événements a amené de nombreux chercheurs à montrer les points communs ou au contraire les différences entre les conquêtes de l'Angleterre et de l'Italie du Sud. Dans le présent article, on étudie les choix d'écriture de ces deux sources plutôt que leur contenu historique, d'abord en comparant le discours souvent concordant tenu par les auteurs sur l'œuvre qu'ils entendaient composer, puis en examinant l'agencement du récit et la langue utilisée par chacun pour voir comment leur réalisation répond effectivement à leur engagement. On est ainsi amené à poser la question du genre de l'œuvre, des présupposés et de la signification de l'écriture de l'histoire pour ces deux auteurs. La similitude de leur discours tient souvent du topos, qu'il convient donc de replacer au sein d'une large tradition historiographique qui n'est pas spécifiquement normande ; en outre, des différences notables apparaissent dans la composition générale de l'œuvre ou dans le choix du style et du niveau de langue. Si la comparaison a donc ses limites, l'étude de ces différents aspects témoigne d'une profonde réflexion sur la manière dont il convient de rapporter les faits pour élaborer un récit historique à visée panégyrique ; et, de la part de Guillaume, sur la place qu'il entend occuper au sein de la production historiographique composée en Normandie depuis Dudon de Saint-Quentin. Cette réflexion a pu jouir d'un contexte politique et littéraire particulièrement favorable.