Le monument historique, ou « patrimoine », est un objet au cœur de métamorphoses socio-historiques, politiques, économiques et culturelles qui ont entraîné des mutations de son modèle de gestion. Autrefois, fonctionnant sous l’institution de la maison, selon les travaux de Claude Lévi-Strauss, puis sous le modèle de la conservation, désormais son modèle de gestion est celui de l’entreprise. L’entreprise s’installe comme un modèle de gestion des monuments historiques privés, tel est le cas du château de Carneville, situé dans la Manche. Sous la propriété de Guillaume Garbe depuis 2012, ce dernier a instauré un modèle de gestion entrepreneuriale afin de dégager des ressources financières nécessaires à l’entretien du château. Néanmoins, entreprise et patrimoine sont deux notions qui s’ancrent dans des logiques opposées, économique pour l’une et symbolique pour l’autre. Par ailleurs, les activités entrepreneuriales, dans le champ du patrimoine, sont faiblement rentables pour amortir ses coûts d’entretien et de restauration. Dès lors, si patrimoine et entreprise sont deux opposés, comment se fait-il que l’entreprise constitue le modèle de gestion du château de Carneville ? Cette étude de cas ethnographique montre que son modèle de gestion consiste en un triptyque « E-C-M », composé de trois formes sociales que sont l’entreprise, la conservation et la maison. L’entreprise se présente comme un moyen de reconfigurer la forme de la maison par l’emprunt et la recomposition de ses caractéristiques. Une « maison entrepreneuriale » qui prend appui sur les conséquences socio-historiques de la conservation laquelle réalise l’affinité élective entre maison et entreprise.