De nouvelles formes d'engagement politique sont apparues depuis une dizaine d’années, autant en Europe de l’Est qu’en Europe Occidentale, dans le monde arabe qu’en Asie ou dans les Amériques. On les interprète souvent par opposition à des mouvements dits « ouvriers », comme des mouvements en rupture radicale avec le passé (Touraine, 1990 ; Pleyers & Glasius, 2013 ; Ogien et Laugier, 2014). Ce cadre théorique qui ne communique pas, ou très peu, avec la théorique critique rend difficile, selon nous, de comprendre les dynamiques économiques et politiques des crises traversées par nos sociétés. Dans le cadre du congrès de l’ABSP et du CoSPoF, notre communication portera sur nos études respectives afin de proposer une réflexion sur les modes d’articulation de ces trois registres de connaissance (2ème axe), tout en les ouvrant à des traditions scientifiques extra-européennes (4ème axe). La première porte sur les enquêtes réalisées à Istanbul entre 2017-2019 (entretiens semi-directifs et observations participantes) sur quatre organisations politiques, parmi lesquelles, celle des cols blancs. La deuxième étude prend comme objet les débats scientifiques autour des Journées de juin 2013 au Brésil. Dans un premier temps, nous proposons de penser aux mobilisations des cols blancs à Istanbul pendant le mouvement social Gezi (2013) à l’aide des concepts marxistes : ​la conscience de classe et la pluralité des formes prises par le salariat​. L’objectif serait d’ouvrir une discussion sur les liens entre la ​conscience de classe (concept marxiste) et celui d’​identité collective (concept issu de la SMS). Pour ce faire, nous prendrons en compte les transformations économiques dans ce secteur professionnel et nous les articulons avec le concept d’​exploitation ​(autoentrepreneurs ou tâcherons). Les concepts marxistes les plus courants ont subi au cours de leur histoire, y compris l’universitaire, une série de réappropriations et de réemplois complexifiant la compréhension de leur signification. L’objectif est de soumettre les concepts marxistes originaux à ces études de cas pour en évaluer leur pertinence et leur utilité heuristique. Dans un deuxième temps, nous aborderons “les Journées de juin 2013” au Brésil, un ensemble de mouvements contestataires qui dénoncent sous divers aspects les mandats présidentiels du Parti des Travailleurs (PT) brésilien. Aussi diverses que controversées, les interprétations sociologiques des Journées ne prennent pas toujours en compte l’analyse de ses dimensions matérielles et subjectives (Cava, 2016). Nous proposons d’interroger les liens entre celles-ci et l’érosion d’une supposée légitimité de la “gauche au pouvoir”, ouvrant la voie à la montée d’un dit “populisme de droite” dans le pays (Cava et Pereira, 2016). Nous articulerons les apports des analyses post-marxistes, à l’instar de celles de Lefort (1981), Laclau et Mouffe (1985), Castoriadis (1978), ​Abensour (2009)​, avec la littérature extra-européenne sur les Journées afin de “réinvestir” la critique de la démocratie brésilienne, tel que proposé par Cervera-Marzal (2012). Nous discuterons enfin des défis analytiques posés par l’étude de ces deux cas et des apports heuristiques que nous pouvons en tirer en introduisant la théorie critique dans les objets de la sociologie des mouvements sociaux ainsi que la théorie politique​.